Les publications du site internet Couleurs Chroniques reprennent, après une très longue pause ! Elle m’a permis de faire le point sur mes projets pour ce site, notamment les sujets que je voudrais aborder et l’état d’esprit que je voudrais y mettre. Le groupe Facebook lui ne s’était pas arrêté, et une partie de ce qui va être publié dans les semaines qui viennent y a déjà été mise en avant.
 
Dans ce dossier, je vous parle de ma vision de la science et de mon expérience dans la recherche, puis de deux articles publiés très récemment dans des journaux scientifiques et que j’ai trouvé intéressants. Le premier sur le rôle possible de certains globules blancs contre la chronicisation de la douleur. Et le second donne les résultats d’une grande étude sur l’efficacité du Cannabidiol contre la douleur. Bonne lecture !
 
Un retour aux sources
 
Aujourd’hui je sais bien mieux ce sur quoi je veux écrire et publier – et ce que je ne veux plus. Ma formation scientifique initiale et mon expérience dans la recherche en biologie ont laissé une empreinte profonde en moi que je fais revivre avec grand plaisir.
 
J’espère dans ce dossier vous faire partager le grand respect que j’ai pour la science et les chercheurs, et pourquoi les remises en question, la rigueur, l’humilité et la modération sont si importants pour moi. Il est vrai que ça peut sembler naïf et hors d’atteinte : on est toujours un peu biaisé et subjectif. De plus je suis très loin d’avoir les connaissances suffisantes pour avoir du recul sur toutes ces infos scientifiques, je ne suis pas une experte !
 
Mais je veux assumer mes choix, faire de mon mieux pour vous présenter des infos « sérieuses »,  et aussi vous partager mes doutes ! Je ne veux mettre rien ni personne sur un piédestal, et je suis ouverte à la discussion et aux remises en question, avec des sources de confiance bien sûr.
 
 
Conserver les piliers de Couleurs Chroniques
 
Je garde les 4 piliers qui structurent le site internet et vont s’étoffer très lentement : ApaiserInformerEmpowerment -et En pratique… pas forcément dans cet ordre 😉
 

💙  Informer :

Aucun doute, je souhaite donc m’orienter beaucoup plus vers la science, ses modèles et ses publications, ses doutes comme ses consensus, des informations qui me paraissent « sérieuses ». J’espère aussi publier des interviews de chercheurs, de médecins et de psychologues. L’idée est de parler encore un peu de la douleur, mais aussi de neuroscience et de psychologie en général, du plaisir, des émotions, des addictions, du bien-être…
 

🧡 En pratique :

Je souhaite aussi présenter des conseils pratiques et des outils plus clairs. On me dit que c’est encore très confus, et c’est vrai ! Déjà donner mon avis « par où commencer », mais ne vous attendez pas à un programme « clés en main », ce ne sera que des pistes, des outils parmi lesquels vous pourrez piocher. Et cela va déjà me prendre pas mal de temps, j’assume je suis lente et j’ai besoin de ne pas me mettre trop de pression (mauvaise pour les céphalées…) Et aussi je souhaite avoir vos retours pour améliorer ces conseils pratiques.
 
Mais je tiens toujours fermement à ne faire aucune publicité sur le site et je ne donne évidemment aucun conseil médical. Je rappelle qu’il est très important de consulter un médecin en cas de douleurs (ou autres symptômes) et avant de suivre un quelconque traitement / thérapie.
 

💚 Apaiser :

J’aimerais aussi parler de ce qui nous apaise, nous détend, nous fait sentir en sécurité, nous rassure, nous aide à relâcher la pression… C’est souvent plus personnel mais la science ouvre des pistes là dessus aussi
 

💜 Empowerment :

Et enfin raconter aussi ce qui nous donne du courage, de la confiance et surtout comment reprendre le contrôle sur tout ce qu’on peut. Cela inclut nos croyances, si importantes, qu’elles soient fondées sur la science ou pas du tout !

 

Ma vision de la Science

chapitre
 
J’aimerais vous parler de la Science et plus précisément de ce que ça représente pour moi, l’importance qu’elle a dans mon parcours, mes croyances et mes projets.
 
Quand je parle science, je pense en fait à la recherche fondamentale publique, académique (et dans notre cas, plutôt en biologie et neuroscience cognitive). Ce sont les études réalisées et publiées par des chercheurs de laboratoires publiques, du CNRS, de l’INSERM, des universités et facs de médecine en France, ou du NIH (National Institute of Health) ou des écoles de médecine aux USA.
 
J’ai travaillé pendant 5 ans dans des laboratoires de ce type, j’ai pu vivre de l’intérieur leur fonctionnement. En DEA et doctorat dans un laboratoire du CEA en France puis en post-doctorat dans un laboratoire de l’Ecole de Médecine de New York University aux USA.
 
J’en garde un immense respect pour les chercheurs, et même une véritable admiration. C’est pour cela que je veux mettre plus l’accent sur l’importance des sources quand on écrit sur un sujet.
 
 

Mon expérience dans la recherche

chapitre
 
Je souhaite vous connecter un peu à ces chercheurs qui vouent leur vie à faire avancer les connaissances, vous partager directement leur études et les résultats de leur travaux. Prendre les informations à la source en les déformant le moins possible, avec humilité et rigueur.
 
Cette recherche est payée par nos impôts, parfois avec l’aide d’associations de malades ou de fondations d’intérêt général (Ligue contre le cancer, téléthon…). Les chercheurs ne se feront pas d’argent avec leurs éventuelles découvertes. Ils ne seront pas propriétaires des brevets s’ils trouvent quelque chose d’intéressant.
 
Ils doivent régulièrement écrire des projets pour demander des financements, et ils sont principalement jugés sur la qualité de leurs publications, forcément dans des journaux scientifiques reconnus avec évaluations par des pairs = d’autres chercheurs experts dans le domaine étudié.
 

La recherche et la science dont je parle n’ont rien à vendre et se remettent sans arrêt en question.

Cette science n’a rien à voir avec le développement de médicaments par les boites pharmaceutiques en recherche de rentabilité, quitte à peut-être parfois enjoliver les choses?
 
Il y a de plus un vrai travail de communauté internationale entre ces laboratoires pour faire avancer les connaissances : dans des collaborations, des congrès, ou via les publications et leurs commentaires.
 

Un vrai sacerdoce selon moi!

C’est un métier dur, souvent ingrat, pas très bien payé et reconnu par rapport au niveau des études qu’on fait (bac +10 ou même plus, avec le doctorat et les post-doctorats), avec parfois beaucoup de précarité et toujours beaucoup de travail et d’engagement. 
 
Je n’ai pas pu suivre cette voie après mon post-doctorat car elle me demandait trop de sacrifices au niveau personnel, familial.
 

Oui, une immense majorité des chercheurs mérite notre respect et notre admiration.

 
Il y a comme partout des « brebis galeuses » mais pour moi ça reste des exceptions. Et c’est pour tout cela que je tiens au maximum à éviter les sujets de « pseudoscience » sans rigueur, sans source et sans étude sérieuse.
 
Quand on trompe les gens en mimant grossièrement la science, c’est pour moi une insulte à tous ceux qui consacrent leur vie à la vraie science.
 
La science a donc beaucoup d’importance à mes yeux, et les publications et les livres scientifiques sont sans nul doute pour moi les sources d’informations les plus sérieuses.
 

Publications

chapitre
Je souhaite dorénavant publier régulièrement des articles sur des publications scientifiques, en essayant de les « vulgariser », d’en donner les grandes lignes de la manière la plus claire et simple possible.
 
Evidemment ça demandera des ajustements au départ, je compte sur vos retours pour m’améliorer. Mais je tiens énormément à écrire sur ces travaux publiés par des chercheurs. Ils font partie de mes sources « sérieuses » pour écrire dans Couleurs Chroniques.
 

Mon expérience

 
Je sais ce que représente une telle publication dans un journal scientifique reconnu, tout le travail – et la pression – qu’il y a derrière, parce que je l’ai vécu pendant 5 ans. 
 
Je sais ce que c’est que de travailler pendant des mois sur une hypothèse et de devoir tout arrêter car les résultats ne la confirment pas et ne sont pas publiables. C’est très dur à vivre
 
Je connais aussi l’excitation et la joie de voir les expériences réussir, puis d’écrire un article pour les expliquer – en anglais. L’envoyer à un journal susceptible de le publier… et attendre avec anxiété le retour des 2 ou 3 correcteurs, des experts du domaine que l’on ne connait pas, souvent à l’autre bout du monde.
 
La publication peut être refusée ou on peut nous demander des explications en plus, des détails, voir des expériences supplémentaires. On envoie la correction avec les éléments en plus… et on prie encore pendant des semaines. Attendre que la publication soit finalement acceptée, puis enfin la voir publier avec fierté
 
Après, au fil des mois et des années on regarde si elle a été citée par d’autres chercheurs qui travaillent sur un sujet proche et ont utilisés / confirmés / réfutés nos résultats.
 

Savoir se remettre en question

Pour moi toutes ces publications sont les sources les plus importantes de la science et des connaissances « sérieuses » qui se construisent peu à peu, par tâtonnements souvent, et toujours susceptibles d’être revues, précisées voir déconstruites !
 

Une seule étude ne suffit jamais pour prouver quoi que ce soit.

 
Ses résultats doivent être reproduits par différents chercheurs dans différentes conditions avant qu’un quelconque consensus puisse en sortir. 
 
Sans sources telles que celles ci, on n’est pas dans la science mais dans les croyances, j’en reparle juste après…
 

Ma première publication

 
Voici en lien ma première publication, dans un journal de notoriété moyenne (Electrophoresis) mais j’en suis fière quand même 😊 : « Calcium-dependent secretion in human neutrophils: a proteomic approach ; M Boussac and J Garin, Electrophoresis, 2000. » Il s’agissait d’identifier le maximum de protéines sécrétées par les neutrophiles, des globules blancs du sang intervenant dans l’inflammation et la lutte contre les microbes.
 
Les échantillons provenaient de poches de sang humain données par un centre de transfusion. Je purifiais les neutrophiles, simulait l’activation par des microbes et séparait ensuite les protéines par électrophorèses. La spectrométrie de masse permettait enfin de les identifier.
 
124 publications ont cité mes résultats depuis. J’ai contribué à ma façon à faire avancer un peu les connaissances… même si je n’ai aucune idée si ça sera utile pour soigner des maladies un jour ! Et pour rester sur le sujet des neutrophiles, la première publication présentée ensuite dans ce dossier porte justement sur leur possible rôle pour éviter la chronicisation de la douleur.
 
 

Malheureusement la science n'a pas réponse à tout, loin de là. 

chapitre
 
Il y a encore beaucoup de mécanismes inconnus et d’incertitudes, en particulier sur les douleurs chroniques. En 2022, « les mécanismes pour passer de la douleur aiguë à la douleur chronique restent à élucider« , c’est écrit dans l’introduction de la première publication étudiée dans ce dossier.
 
Il me parait important d’être honnête et ne pas tromper les personnes en souffrance en leur faisant croire que la science a tout compris et élucidé. Toute affirmation du contraire relève pour moi du mensonge et des « pseudo-sciences » sans rigueur. Mais ce n’est pas toujours si simple, j’y reviendrai en parlant de l’effet Placebo et des cas de conscience que ça peut soulever…
 

La science peut être frustrante

 
Evidemment nous aimerions tous avoir plus de réponses claires- et des traitements validés efficaces, qui nous guérissent vraiment. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, la science botte en touche pour beaucoup de nos symptômes (céphalées de tension, fatigue chronique, fibromyalgie). Il y a encore tellement de zones d’ombre…
 
Et nous avons pourtant tellement besoin de croyances, de certitudes qui rassurent… oui, la science peut être très frustrante, je ne le nie pas. On ne peut pas toujours lui donner toute la place, on a parfois besoin d’aller chercher d’autres croyances ailleurs et ne pas tout faire reposer sur elle.
 

Croyances versus Science ?

 Les croyances aussi c’est très bien et même particulièrement utile, j’en reparlerai beaucoup. J’y reviendrai dans de prochains articles, notamment sur l’effet Placebo et la Pain Reprocessing Therapy.
 
Mais je souhaite faire du mieux possible la différence entre la science avec ses hypothèses/modèles qui peuvent être réfutés ou corroborées par des études, ses consensus et ses débats, et les croyances et opinions que chacun peut choisir librement et qui n’ont pas besoin d’être « testées », prouvées.
 

Partager les avancées de la science comme ses remises en question

 
Mais la science avance chaque jour, et des pistes s’ouvrent et se confirment régulièrement. Et ça pourrait nous être réellement utile ! Je souhaite vous partager ces progrès et découvertes – et aussi mises en garde, comme les deux publications dont je vais vous parler maintenant.

Publication 1 : Inflammation et chronicisation de la douleur

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Voici la première publication que je souhaite vous présenter en exemple de ce dossier, sortie en mai 2022 :
 
 
J’ai choisi cette publication car elle montre bien à quel point on connait encore mal les mécanismes précis de la douleur chronique, et les tâtonnements des chercheurs pour mieux les comprendre. De plus elle illustre les remises en question permanentes nécessaires sur les traitements, comme ici de l’usage des anti-inflammatoires contre la douleur aigue. Enfin elle parle du rôle des neutrophiles, et ça flattait mon petit Ego 😅.
 

Facteur d'Impact et Auteurs

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Je prends l’exemple de cette publication pour commencer par deux informations générales sur les données à regarder dans un article d’un journal scientifique
 
Le Facteur d’Impact, un critère de confiance dans un journal

Cet article a été publié dans la revue « Science Translational Medicine ». Un des paramètres pour savoir si un journal est fiable et de bonne qualité est de regarder son facteur d’impact. Au dessous de 1, bof. Entre 1 et 5, c’est bien. Au dessus ça inspire confiance.

Tout chercheur rêve d’avoir une publication acceptée dans une revue avec un bon facteur d’impact, et évidemment dans les meilleurs de cette liste 2022  comme Lancet (202), JAMA (157), Nature (70), Cell (66), Science (63). Cela peut beaucoup aider pour la suite de sa carrière et récolter des fonds. Toutefois, selon les domaines de recherche, les journaux pointus peuvent avoir un facteur d’impact plus faible tout en étant des références.

Le facteur d’impact de Science Translational Medicine varie entre 12 et 18 selon les années, c’est donc un bon chiffre qui inspire la confiance. Electrophoresis, le journal dans lequel j’avais publié mes résultats de DEA, a un facteur d’impact entre 3 et 4.

La liste des auteurs

Cette publication est le fruit d’un long travail de collaboration entre plusieurs laboratoires par des chercheurs canadiens, italiens, hollandais, suisses et américains. Un bel exemple de recherche internationale ! Toutes les affiliations sont au début de l’article, avant le résumé, si cela vous intéresse.

Le laboratoire principal à l’origine de ces résultats est celui du Centre de la Recherche de la Douleur de l’Université McGill à Montréal, Canada. Pour le savoir, on regarde où travaillent:
  • le 1er auteur : celui qui présente les résultats et a joué le rôle le plus important, ça peut être un doctorant ou un post-doctorant par exemple
  • le dernier auteur: son responsable, souvent le chef de laboratoire.

Il s’agit clairement ici d’études très longues et poussées, qui ont demandé beaucoup de temps et de collaborations. Un de mes rêves est de publier des interviews de chercheurs dans Couleurs Chroniques, j’espère pouvoir en avoir une d’un des auteurs de cette publication un jour!

Ci-dessous la traduction du résumé de cette publication :

 
« La transition de la douleur aiguë à la douleur chronique est d’une importance cruciale mais n’est pas bien comprise. Ici, nous avons étudié les mécanismes physiopathologiques sous-jacents à la transition de la lombalgie aiguë (douleur dans le bas du dos) à la lombalgie chronique et réalisé une analyse large du transcriptome dans les cellules immunitaires périphériques de 98 participants atteints de lombalgie aiguë, et suivis pendant 3 mois. Les modifications transcriptomiques ont été comparées entre les patients dont la lombalgie avait disparu à 3 mois et ceux dont la lombalgie persistait.
 
Nous avons trouvé des milliers de changements transcriptionnels dynamiques sur 3 mois chez les participants lombalgiques souffrant de douleur résorbée, mais aucun chez ceux souffrant de douleur persistante. Des élévations transitoires des réponses inflammatoires induites par les neutrophiles protégeaient contre la transition vers la douleur chronique.
 
Dans des tests de douleur chez la souris, un traitement précoce avec un médicament anti-inflammatoire stéroïdien ou non stéroïdien (AINS) a également entraîné un prolongement de la douleur, bien qu’ils soient analgésiques à court terme ; un tel allongement n’a pas été observé avec les autres antalgiques.
 
Un déficit en neutrophiles retardait la disparition de la douleur chez la souris, tandis que l’injection périphérique des neutrophiles eux-mêmes, ou des protéines S100A8/A9 normalement libérées par les neutrophiles, a empêché le développement d’une douleur de longue durée induite par un médicament anti-inflammatoire.
 
L’analyse des suivis de la douleur de patients humains signalant des maux de dos aigus à la banque de données du Royaume-Uni Biobank a identifié un risque élevé de persistance de la douleur chez les sujets prenant des AINS. Ainsi, malgré leur efficacité analgésique à des moments précoces, la réduction de l’inflammation aiguë produite peut être contre-productive pour les résultats à long terme des personnes souffrant de lombalgie. »

Réflexions sur cette étude

chapitre

Cette étude cherchait à mieux comprendre les mécanismes du développement de la douleur chronique à partir d’une douleur aigue, en particulier les possibles rôles des cellules immunitaires et de l’inflammation.

Attention à la prise d’anti-inflammatoire contre la douleur aigue

Ses résultats doivent bien sûr être confirmés par d’autres études, mais ils mettent pour l’instant en garde contre l’utilisation des anti-inflammatoires comme l’Ibuprofène pour soulager la douleur aigue. En effet cela pourrait augmenter le risque qu’elle se prolonge, voir devienne chronique. Dans le doute, mieux vaut prendre du paracétamol / acetomiphene aux USA.
 

Le rôle des neutrophiles

Cette publication suggère de plus que les neutrophiles, les globules blancs évoqués plus hauts, pourraient jouer un rôle plus important qu’on l’imaginait jusqu’à maintenant pour qu’une douleur aigue ne devienne pas chronique.
 
Je vois ça un peu comme si le cycle de l’inflammation devait pouvoir se terminer naturellement pour envoyer des signaux « il n’y a plus de danger » au système nerveux et faire arrêter le signal de douleur. Evidemment ça me donne envie de creuser, d’approfondir ce qu’on sait sur les liens entre les systèmes immunitaires et nerveux, la neuroimmunologie, en plein développement.

 

Une publication dont on parle beaucoup… mais que je ne peux pas lire dans son intégralité

Cette publication a déjà fait l’objet d’un article dans le New York Times et dans le Guardian. Je ne peux malheureusement pas la lire dans son intégralité, il faut payer 30$ pour y avoir accès – c’est souvent le cas avec les grands journaux. Quand on est chercheur dans un laboratoire, notre institution paie l’accès à toutes ces données. Ce n’est plus mon cas… C’est là que je me rends compte que des dons faits à Couleurs Chroniques pourraient être utiles un jour – quand j’aurais un permis de travail valable 😊.

J’ai toutefois déjà pu traduire le résumé de cette publication au-dessus, et si cela vous intéresse, cet article paru dans le forum de l’IASP en donne les grandes lignes (Voir le chapitre suivant sur ce qu’est l’IASP).

L'IASP

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L’IASP c’est l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur = « International Association for the Study of Pain ». Je l’avais présentée dans l’article sur la nouvelle définition de la douleur.
 
L’IASP a un forum de discussion qui va probablement devenir une de mes sources d’informations sur les dernières études sur la douleur à partir de maintenant. C’est grâce à lui que j’ai connu la publication sur le rôle des neutrophiles présentée ci-dessus, avec un article la détaillant dans le forum.
 
C’est aussi l’IASP qui a organisé l’énorme Congrès Mondial sur la Douleur (World Congres on Pain) qui a eu lieu à Toronto en Septembre, rassemblant environ 7000 chercheurs et médecins.
 
J’aimerais devenir membre de l’IASP. C’est assez cher et donc là aussi vos dons pourraient m’aider – toujours quand ma situation sera régularisée 😅 . En effet ça me donnerait accès à l’intégralité des articles du journal Pain (dont est issue la seconde publication de ce dossier) et à des groupes de discussion internes sur différents sujets avec des chercheurs et médecins. Une bonne source d’infos à la pointe des connaissances, et j’espère des échanges intéressants.
 
 
 

Publication 2 : Etude de l'efficacité du Cannabidiol (CBD)

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Cette étude est parue en Juin 2022 dans le journal PAIN qui est édité par l’IASP. Ce journal a un facteur d’impact de 7, ce qui est très bien – et rassurant.
 
 
C’est un bel exemple d’une étude scientifique pour tester une hypothèse sans à priori et avec les bons contrôles – et loin des lobbys des industriels et des vendeurs de remèdes non vérifiés sérieusement.
 
Elle a été réalisée par des chercheurs danois, le but était de tester l’efficacité du Cannabidiol (CBD) car on manque encore beaucoup de résultats valables là dessus chez l’homme. Le CBD est en effet de plus en plus utilisé comme analgésique alors qu’on manque d’essais validant son efficacité.
 

Résumé de l'étude

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Cette étude a testé, en double aveugle contre placebo, un traitement oral par 10 à 30 mg de CBD sur des personnes souffrant d’arthrose de la main ou d’arthrite psoriasique avec une intensité de douleur modérée. C’est la première étude de ce type.

🔴 129 participants ont été répartis au hasard dans 2 groupes, en double aveugle = ni les participants ni les investigateurs ne savent qui est dans quel groupe

🟠 1 groupe reçoit des plaquettes de comprimés de 10 mg de CBD oral,

🟡 1 groupe reçoit des plaquettes de Placebo = plaquettes et comprimés identiques mais sans CBD dedans

🟢 Les participants prennent leur « traitement » chaque jour pendant 12 semaines

🔵 Après 2 semaines avec un comprimé par jour, ils passent à deux. Ceux qui n’ont pas vu d’amélioration dans l’intensité de leur douleur passent à 3 comprimés par jour après 4 semaines, jusqu’à la fin du traitement

🟣 L’étude a été menée de novembre 2018 à Septembre 2020 dans l’hopital universitaire d’Aalborg au Danemark
 

Conclusion

chapitre
 

Pas de différence significative d’efficacité entre les deux groupes

 
22% des patients recevant du CBD et 21 % de ceux recevant le placebo ont eu une diminution dans l’intensité de leur douleur de plus de 3 sur une échelle de 10.
40% des participants des deux groupes ont vu leur douleur diminuer de plus de 30%
Une réduction de l’intensité de la douleur de plus de 50% a été constatée pour 25% du groupe CBD et 27% du groupe Placebo
 
➡️Ces chiffres montrent à quel point l’effet Placebo est impressionnant. Je vais lui consacrer mon prochain article justement : ça me fascine et me fait poser beaucoup de questions. L’effet Placebo pourrait bien expliquer les témoignages positifs des personnes qui disent se sentir mieux en prenant du CBD…

Il n’y a pas non plus eu de différence significative entre les 2 groupes CBD / Placebo dans l’évolution de la qualité du sommeil, la dépression, l’anxiété.

 
Notes :
 
  • 2 patients ont arrêté l’essai avant la fin à cause d’effets secondaires qui les gênaient (réaction allergique et problèmes gastro intestinaux)… alors qu’ils prenaient le placebo sans le savoir ! L’effet Nocebo ?

 

  • à la fin de l’étude, on a demandé aux participants de deviner ce qu’ils avaient reçus : 61% de ceux qui avaient reçus le placebo l’ont deviné mais seulement 22% de ceux recevant le CBD pensait avoir eu le CBD.

 

  • deux autres études ont elles aussi trouvé aucune efficacité du CBD 2 heures après une forte dose, par rapport à un Placebo. Une autre étude n’a montré aucune efficacité du CBD sur la qualité du sommeil après 3 mois de traitement, avec entre 25 et 150 mg de CBD

 

  • une des limitations de l’étude est ne pas avoir testé des doses plus fortes (30mg maximum de CBD). Mais les doses testées sont celles généralement utilisées par les personnes souffrant de douleur. Des doses plus fortes augmentent les risques d’effets secondaires et sont plus utilisées dans le cas de maladies neurologiques
 

Pour prolonger la réflexion...

chapitre

 

Voici un article d’opinion publié non dans un journal scientifique mais dans le blog de l’école de médecine de Harvard (une source plutôt sérieuse pour moi)
 
Voici des extraits traduits du texte de Shafik Boyaji, écrit en 2020:

CBD pour la douleur chronique : la science ne correspond pas au marketing

« Compte tenu de ses résultats prometteurs dans des modèles animaux, ainsi que de sa sécurité relative, de ses propriétés non psychoactives et de son faible potentiel d’abus, le CBD est un candidat attrayant pour soulager la douleur.
 

Malheureusement, il y a un manque d’études humaines sur l’efficacité du CBD.

 
Pourtant, il existe une abondance de publicités commerciales sur les effets magiques du CBD, et il est souvent présenté comme une potion qui serait la panacée pour tout traiter, y compris le diabète, la dépression, le cancer, la douleur chronique et même l’anxiété de votre chien !
(…) Il n’existe actuellement aucune étude de recherche de haute qualité qui soutient l’utilisation du CBD seul pour le traitement de la douleur.
 

Pourquoi le CBD est-il ainsi présenté au public, alors qu’il n’est pas sans risque ?

Compte tenu de l’évolution rapide de la légalité du cannabis, associée à l’appétit accru pour quelque chose de nouveau, et motivée par des marges bénéficiaires sans précédent, la publicité pour les cannabinoïdes en général et le CBD en particulier est devenue folle.
 
La FDA est très claire sur le fait qu’il est illégal de commercialiser du CBD en l’ajoutant à un aliment ou en l’étiquetant comme complément alimentaire. Et elle avertit le public de ses effets secondaires potentiels, car les publicités sont souvent tournées d’une manière qui peut amener les gens à croire à tort que l’utilisation du CBD « ne peut pas faire de mal ». Le CBD peut causer des lésions hépatiques et peut affecter le système reproducteur masculin (comme l’ont démontré des études sur des animaux de laboratoire).
 
Plus important encore, le CBD peut interagir avec d’autres médicaments importants comme les anticoagulants, les médicaments pour le cœur et les immunosuppresseurs (médicaments administrés après une transplantation d’organe), modifiant potentiellement les niveaux dans le sang de ces médicaments importants et entraînant des résultats catastrophiques, y compris la mort. En outre, davantage d’informations doivent être recueillies sur son innocuité dans des populations particulières telles que les personnes âgées, les enfants, les personnes immunodéprimées et les femmes enceintes et allaitantes.
 

Méfiez vous des témoignages enthousiastes 

Enfin, il y a la « sagesse anecdotique », lorsque les témoignages des patients et des professionnels de la santé présentent des résultats positifs. Bien que l’expérience ou les médicaments paraissent bénéfiques, cela ne signifie pas que cela fonctionnera pour tout le monde. C’est parce que chaque personne est unique, et ce qui fonctionne parfaitement pour un patient peut n’avoir aucun effet sur un autre patient.
 
Cela est particulièrement vrai pour la douleur, où de nombreux autres facteurs (notre humeur et notre niveau de stress, notre environnement et d’autres conditions médicales, et nos expériences antérieures) peuvent affecter la perception de la douleur.
 
Soyez prudent et gardez à l’esprit que certains de ces témoignages si incroyables ne sont que des supports marketing destinés à inciter les consommateurs à acheter plus de produits, car le marché du CBD devrait atteindre 20 milliards de dollars d’ici 2024.
 
Jusqu’à ce qu’il y ait des preuves scientifiques de haute qualité chez l’homme, il est difficile de faire une recommandation pour l’utilisation régulière du CBD dans la gestion de la douleur chronique. »
 
 
C’était en 2020, l’étude qui vient de sortir dans le journal PAIN en juin 2022 ne va pas dans le sens de l’utilisation du CBD…

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